Une gauche antisémite sous influence.
La gauche qui domine aujourd’hui dans le monde intellectuel et universitaire brésilien est post-moderne, identitaire et "décoloniale". Au conflit traditionnel opposant le prolé-tariat et les détenteurs du capital, elle a substitué de nouvelles divisions fondées sur le genre, l’ethnicité ou la race, la sexualité. Les dénonciations classiques d’exploitation des travailleurs, de misère du prolétariat, de domination du capital ont été remplacées par les accusations de racisme, de sexisme, d’homophobie, de transphobie ou de grosso-phobie, autant de préjugés définis comme systémiques. Le monde est structuré par de multiples conflits qui opposent les minorités "opprimées" et leurs "oppresseurs" au premier rang desquels on trouve les mâles occidentaux, hétérosexuels et blancs. Au Brésil, c’est le volet "décolonial" de cette nouvelle doxa qui a le vent en poupe. Ce "décolonialisme" soutient que l’Occident n'est pas la révolution scientifique, les Lu-mières, la démocratie et les droits de l'homme, mais le colonialisme et l'esclavage qui, sous de nouvelles formes, continuent d'être les principaux facteurs d'oppression dans le monde contemporain. Dans cette vision réductrice et tronquée, le saut scientifique et technologique produit en Europe à partir des XVIe et XVIIe siècles est considéré comme un simple instrument de l'expansion brutale du colonialisme. Les Lumières sont réduites à l'état d'idéologie justifiant l'oppression coloniale, l'esclavage et le racisme. L’univers occidental est rejeté en bloc. Une condamnation morale sans appel est prononcée au prétexte que tout ce que cette civilisation apporte de positif n’a servi et ne sert qu’à camoufler son caractère intrinsèquement oppresseur.
L’Europe a effectivement utilisé la science et la technologie pour conquérir des ter-ritoires. Elle a déformé les idées des Lumières pour justifier l'entreprise coloniale d'abord, l'expansion impérialiste ensuite, et les théories absurdes et abjectes de la supé-riorité raciale, l’esclavage. A partir de ces constats irréfutables, l’intelligentsia de gauche brésilienne oublie désormais une dimension essentielle : les avancées scientifiques et technologiques et les nouvelles valeurs d’universalisme, de liberté et d'égalité produites sur le Vieux Continent ont aussi permis et stimulé des progrès civilisationnels qui ont profité à l'ensemble de l'humanité au cours des siècles suivants et encore aujourd’hui [1]. A une perspective critique pertinente, on substitue une sorte de fureur morale condam-natoire et amnésique. Cette fureur rajeunit les vieilles idéologies anti-impérialistes et autoritaires que la gauche brésilienne n’a jamais abandonné. Elle enthousiasme les nouvelles générations mais ferme leur horizon intellectuel. Le résultat est qu'une partie importante de la gauche est restée silencieuse face aux atrocités commises par le Hamas en octobre 2023, qu’elle n’a pas condamné la guerre d’agression de la Russie contre l'Ukraine, qu’elle soutient toute initiative prise au nom du "Sud global" et qu’elle est gangrénée par les influences les plus néfastes.
Décembre 2023 : à Rio de Janeiro, sous le Christ Rédempteur, des militants exigent "un Noël sans bombe et la Palestine libre du fleuve à la mer..."
Les décoloniaux brésiliens revendiquent un antisionisme qui camoufle de moins en moins un penchant antisémite. L’Etat d’Israël est présenté comme l’incarnation de l’Occi-dent, autant dire le mal absolu. Il appartient au camp des "oppresseurs", des "dominants". Où qu’ils vivent, parce qu’ils sont automatiquement associés à l’Etat hébreu, les Juifs sont dénoncés comme des colonisateurs qui usurperaient la terre des Arabes et plus particulièrement des dits "Palestiniens". Ils auraient mis en place ou soutiendraient un régime d’apartheid. Ils réaliseraient ou approuveraient un génocide du "peuple pales-tinien", tout en se faisant passer pour des victimes, comme le faisaient les nazis, dont les Juifs seraient une nouvelle incarnation. La gauche brésilienne est donc solidaire de toutes les forces politiques supposées représenter des "dominés" dans le conflit qui op-pose Israël et les Palestiniens. Souvent, l’antisémitisme de gauche traditionnel (le Juif "exploiteur capitaliste et financier suçant le sang du peuple") est recyclé. La gauche identitaire verse aussi sans difficulté dans le complotisme (les Juifs "maîtres du monde").
Cette terrible dérive et le rejet de l’Occident ont déjà favorisé un rapprochement entre cette gauche et l’islamisme politique dont on verra ici qu’il est bien présent au Brésil. L’enthousiasme décolonial et antiimpérialiste permet de cacher la poussière sous le tapis, d’oublier que l’islamisme n’est guère favorable aux droits des minorités ou à la libé-ration des femmes par exemple. Le puissant anticolonialisme de l’islamisme, son rejet de ce qu’il perçoit comme des constructions sociales et économiques imposées par l’Oc-cident, son antiaméricanisme et son antisionisme ainsi que sa capacité à mobiliser les masses ont suscité l’admiration de larges pans de la gauche intellectuelle brésilienne. Une sorte de fascination pour l’islamisme s’est même emparée des milieux intellectuels à partir des années 2000.
C’est la convergence entre un Islam radical implanté et influent et une gauche de plus en plus identitaire qui a permis l’émergence d’un antisémitisme puissant dans la vie et le débat public au Brésil. L’hypothèse explorée ici est que cette convergence ne s’est pas produite spontanément. Dans ce qui semble être un effort assez concerté, des groupes ou des structures islamistes établis au Brésil ont noué des relations avec des leaders po-litiques de gauche, des formateurs d’opinion et des groupes d’universitaires. Ils ont utilisé ces relations pour renforcer une sensibilité antioccidentale déjà forte. Ils ont tiré avan-tage de la progression d’une culture "woke" pour faire avancer leurs propres objectifs qui sont aussi ceux de puissances comme l’Iran dont le Brésil s’est rapproché depuis 2023.
Les mollahs sous les tropiques.
Depuis plusieurs années, l’Iran développe ses relations avec plusieurs Etats d’Amérique du Sud [2] et met en œuvre une stratégie d’influence fondée sur la désinformation, une propagande anti-impérialiste et anticapitaliste, l’essor d’activités illicites. La promotion de sa culture, la diffusion de l’islamisme radical, l’utilisation de mouvements terroristes comme le Hezbollah font partie de cette stratégie. Le Brésil est devenu le nouvel épi-centre de l’offensive iranienne sur la région depuis le retour de Lula au pouvoir en 2023. Les relations diplomatiques et commerciales ont été intensifiées (le Brésil a soutenu l’in-tégration de l’Iran dans le club des Brics). Les règles en matière de visas ont été as-souplies entre les deux pays. L’ambassade d’Iran à Brasília va ouvrir un nouveau centre culturel. Les diplomates iraniens en poste au Brésil sont de plus en plus nombreux. Ils pilotent une stratégie d’infiltration des plus hautes sphères politiques brésiliennes, du monde intellectuel et universitaire, des milieux de gauche. Ils sont cependant loin d’être seuls pour assumer cette mission.
En lien avec le réseau de représentation officielle, deux organisations clandestines inter-viennent pour amplifier l’impact de la politique d’influence mise en œuvre : la Force Al-Qods [3] et le Hezbollah (ou "parti d’Allah"). Le mouvement libanais lié à Téhéran est pré-sent au Brésil depuis 1980 [4]. Ses opérations font partie intégrante de la stratégie d’in-fluence iranienne. Ainsi, il épaule et infiltre un autre dispositif participant à cette stra-tégie : les centres islamiques, mosquées et autres lieux de cultes qui constituent désor-mais un réseau de grande capillarité au cœur des mégapoles brésiliennes et dépendent de l’autorité du représentant au Brésil de l’Ayatollah Sayyd Khamenei, le "guide suprême de la révolution". Ce réseau financé par l’Iran a d’abord pour fonction de maintenir la foi et la cohésion des musulmans chiites expatriés au Brésil et de leurs descen-dants. La mission des centres islamiques et mosquées n’est pas seulement de rassembler des fidèles expatriés. Elle est aussi de divulguer l’Islam le plus rigoriste auprès de la popu-lation locale, notamment des jeunes générations. Ce prosélytisme est évidemment adapté au contexte local et progressif. Les centres islamiques, salles de prières et mos-quées sont présentées d’abord comme des espaces de convivialité où les publics attirés ont la chance de prendre contact avec une culture originale et inconnue, avec des arts millénaires, une civilisation très ancienne. Après la découverte des merveilles de la Perse, viennent les premières étapes de l’initiation religieuse, l’introduction à des codes de conduite et de mœurs rigoureux qui surprennent ou choquent souvent des Brésiliens imprégnés de culture occidentale.
C’est précisément sur cette imprégnation que l’on insiste. Si les jeunes attirés sont surpris ou choqués par la séparation des sexes, le rôle imposé aux femmes, les règles vestimen-taires, l’interdiction de l’homosexualité ou la valorisation de la famille patriarcale, c’est bien la preuve qu’ils subissent l’influence de valeurs occidentales qu’il convient de rela-tiviser et de combattre. Ils baignent dans l’atmosphère islamophobe qui fait partie de cette culture occidentale dominante dont ils doivent se défaire. S’ils ont déjà été sensi-bilisés à "l’impératif décolonial", les jeunes adeptes finissent par se rendre aux arguments des imams. Lorsqu’ils se convertissent, on leur propose des bourses pour suivre des formations en Iran, où ils se radicalisent dans l’Islam. De retour au Brésil, ils participent activement à la vie des centres islamiques. Ils connaissent le terrain, maîtrisent la langue et passent inaperçus. A partir des Institutions religieuses chiites implantées dans le pays, au sein d’organisations liées, sur les réseaux sociaux, ces néophytes enthousiastes diffusent le message révolutionnaire iranien. Une fois aguerris, ils influencent les milieux culturels, universitaires et politiques locaux. Ils travaillent comme agents conscients ou non du soft power iranien. Ils peuvent aussi se retrouver intégrés aux réseaux clandes-tins du Hezbollah et devenir des exécutants de toutes ses œuvres, y compris des crimes terroristes [5].
Le "parti d’Allah" s’est implanté en s’appuyant sur la communauté chiite locale (d’origine principalement libanaise) qui regrouperait environ un million de personnes et vit princi-palement au sud du Brésil (Paraná), dans le Sud-Est, sur la capitale fédérale Brasilia ou ailleurs dans le Centre-Ouest. Tous les fidèles et familles chiites ne sont évidemment pas sous l’emprise du Hezbollah. Néanmoins, lorsque ces populations maintiennent des relations avec des lieux de cultes, des espaces de vie sociale et culturelle, il leur est très difficile d’ignorer la réalité de l’influence directe du régime de Téhéran et de la présence au Brésil de l’organisation terroriste. Celle-ci cultive assidûment des liens avec les com-munautés chiites de la diaspora libanaise, par l'intermédiaire de son Département des Relations Extérieures (FRD) [6], qui assure la liaison entre l'Iran et les fidèles dans le monde entier. Les membres du FRD exercent un contrôle total des institutions commu-nautaires chiites au Brésil. Ce sont des religieux du Hezbollah qui dirigent les mosquées. Ce sont des enseignants formés par le Hezbollah qui dirigent les écoles islamiques. Ce sont des instructeurs des scouts du mouvement Al Mahdi du Hezbollah qui dirigent les sections locales. Ce sont encore des membres ou des sympathisants qui prennent en charge les associations caritatives. Ces efforts permettent au "parti d’Allah" de s’assurer de la loyauté de la plupart des membres de la communauté. Ils facilitent le terrifiant embrigadement des jeunes. Même à 11 000 km du pays d’origine, le culte des martyrs originels du chiisme se prolonge dans celui des martyrs de la "résistance" à "l'occupant israélien".
La zone des trois frontières et le pont reliant Foz de Iguaçu et le Paraguay.
Le Hezbollah utilise les réseaux familiaux et claniques pour capter des ressources finan-cières [7]. Au Brésil comme ailleurs, lorsque des hommes d’affaires chiites libanais ont fait fortune, ils se retrouvent tôt ou tard en contact avec le Hezbollah au sein des insti-tutions communautaires ou parce qu’ils entretiennent des liens familiaux avec l’orga-nisation [8]. L’allégeance au mouvement est quasiment incontournable. C’est grâce à ces les liens familiaux transnationaux que fonctionnent les réseaux commerciaux et finan-ciers globaux du Hezbollah. L’organisation s’appuie sur des liens de solidarité familiale et de clans pour faire prendre en charge les mouvements financiers et toutes ses activités commerciales illicites. Les activités des recrues sont coordonnées par le FRD. Ces re-crues sont incitées à faire appel à leur tour à d’autres membres de leurs familles. Se constituent ainsi de vastes réseaux au sein desquels la loyauté, la discipline et le respect des engagements sont des règles incontournables.
A l’ouest du Paraná, la ville de Foz de Iguaçu est située au cœur de la région dite "triple frontière", zone à cheval entre le Brésil, le Paraguay et l’Argentine. Entre les trois pays voi-sins, les échanges sont permanents, multiformes et ne cessent de croitre. Les apports migratoires sur la zone sont anciens et créent un espace multiculturel. Au fil des décen-nies, l’impuissance des trois Etats concernés, la porosité des frontières, la corruption ont fait de la région de la "triple frontière" un des grands pôles mondiaux des trafics en tous genres, de la contrebande et de blanchiment de l’argent sale. Depuis 50 ans, la "triple frontière" compte l'une des plus grandes communautés libanaises chiites d'Amérique du Sud. Le modus operandi du Hezbollah vis-à-vis des fidèles est celui qui a été décrit plus haut. Comme au Liban, le Hezbollah a financé des institutions communautaires chiites locales. Là où ces institutions existaient déjà, il leur a offert son soutien. Les clercs de la mosquée Imam Khomeini de Foz de Iguaçu, les instructeurs du mouvement scout as-socié et les enseignants de l’école islamique font le travail que le Hezbollah attend d’eux.
Dès le début des années 2000, le "parti d’Allah" disposait de plusieurs centaines d’agents et membres sur la zone, chargés de capter des ressources financières en développant des activités commerciales, de blanchir ces fonds, d’assurer des formations pour élargir les bataillons de membres, de recruter. A l’époque, les profits générés par le Hezbollah sur la région étaient estimés entre 300 et 500 millions de dollars par an. C’est proba-blement sur la "triple frontière" que le mouvement terroriste a pu nouer de fructueuses relations commerciales avec une des plus puissantes organisations criminelles d’Amé-rique du Sud, le Premier Commando de la Capitale. Le PCC contrôle la route de la dro-gue qui passe par le Paraguay. Il fournit le Hezbollah en narco-produits à bas prix qui sont ensuite écoulés sur le Proche-Orient en réalisant de bonnes marges [9]. En contre-partie, le Hezbollah fournit le cartel brésilien en armes et explosifs.
Le réseau d’implantation du Hezbollah au Brésil n’est pas limité au Sud-Ouest du Paraná. La Sociedade Beneficente Muçulmana do Paraná a été fondée en 1957 dans la ville de Curitiba et gère la mosquée Ali ibn Abi Talib, construite en 1976, puis remodelée en 1983 grâce à des fonds iraniens. A São Paulo, la communauté chiite dispose de plusieurs mosquées. La principale est installée dans le quartier central du Bras [10]. Elle est ani-mée par le cheikh Moaddel Ebrahimi qui a longtemps travaillé en étroite collaboration avec le cheikh Wehbe, le représentant du FRD du Hezbollah pour l’Amérique latine, basé au Brésil. Outre des offices religieux, la mosquée organise des commémorations à ca-ractère politique comme le "Jour de la Résistance et de la Libération du sud-Liban" (après le départ unilatéral des troupes israéliennes en 2000) et les fêtes liées à la révo-lution iranienne de 1979 (anniversaire de la naissance et de la mort de Khomeini, par exemple). A Brasilia, la capitale fédérale, la communauté chiite locale accueille des fidè-les locaux et des diplomates. Depuis 2023, fonctionne à Brasilia un Centre Culturel et d’entraide Islamique, le CCBIB, dirigé par des proches du Hezbollah libanais. L’institution compte parmi ses visiteurs assidus le fameux cheikh Ebrahimi et l’ambassadeur d’Iran au Brésil, Abdollah Nekounam Ghadiri. Le centre est présidé par un Brésilien converti à l’Islam chiite, Sayid Marco Tenorio, un militant et lobbyiste de l’extrême-gauche. Il existe encore d’autres centres culturels et religieux plus modestes à Aracaju dans le nord-est, à Goiânia, à Campo Grande et à Belo Horizonte. Plusieurs de ces centres islamiques édi-tent des revues et des livres, gèrent des stations de radios, développent leur présence sur les réseaux sociaux, assurant ainsi la diffusion de la propagande politico-religieuse du "parti d’Allah" et de la dictature des mollahs.
Au-delà des institutions religieuses.
L’Iran ne se contente pas de parrainer des œuvres religieuses et sociales. Le régime des mollahs soutient ainsi au Brésil une institution qui se présente comme une ONG, un think-tank réunissant des experts de la question palestinienne : l’Instituto Brasil-Palestina (IBRASPAL). L’organisme est avant tout un lobby défendant des thèses proches de celle du Hamas. Est-ce un hasard ? Son président est un médecin d’origine palestinienne, le Dr Ahmad Shehada, frère du fondateur des Brigades Izzadin el Qassam du Hamas. Le poste de vice-président de l’institut est occupé par Sayid Tenorio, déjà cité plus haut, fervent partisan du régime de Téhéran et de l’organisation terroriste au pouvoir à Gaza depuis 2006. Entre 2007 et 2011, le personnage a été secrétaire parlementaire d’un député du Parti des Travailleurs, la formation de Lula. Sous le gouvernement D. Rousseff (2011-2016), il a été chef de cabinet d’un service de la Présidence. A la même époque, il a commencé à faciliter les contacts entre les leaders de mouvements terroristes pa-lestiniens et libanais et les parlementaires de la gauche siégeant au Congrès [11]. Ainsi, en 2015, il a travaillé à la création d’un groupe d’amitié parlementaire Brésil-Iran. Ce lobbyiste militant proche du régime des mollahs a un accès direct à ses dirigeants. Dès l’élection d’Ibrahim Raisi à la tête de l’Etat iranien en août 2021, Tenorio a été invité à le rencontrer en Iran. Il pilote aujourd’hui son travail de propagande à Brasilia aux côtés de trois membres de la communauté chiite libanaise locale, dont le frère d'un terroriste du Hezbollah aujourd'hui lui-même soupçonné d'être un terroriste du Hezbollah. Tenorio n’a jamais caché ses sympathies, bien au contraire. En 2020, il a exprimé publiquement sa tristesse au cours d’une cérémonie organisée dans un centre culturel iranien de São Paulo à l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat du commandant des Forces Qods, Qassem Soleimani, tué en 2020. Membre du Parti Communiste du Brésil (PCdoB, une for-mation d’extrême-gauche), il occupait depuis 2019 le poste d’assesseur parlementaire d’un député fédéral du même parti. Après le 7 octobre dernier, il a posté un message ironisant sur le sort de personnes kidnappées par les terroristes du Hamas lors de l’attaque de kibboutz. Cette sincérité a gêné son parti qui préfère manifester des sympa-thies pro-Hamas plus discrètement. Tenorio a été licencié mais reste très actif au service de la "cause".
Le président et le vice-président de l'Ibraspal présentent leur dernier outil de propagande en date au Ministre chargé des relations avec le Congrès (au centre de la photo) peu avant le 7 octobre 2023.
Par l’intermédiaire d’institutions comme l’Ibraspal, la République islamique infiltre le mon-de universitaire. Les "experts" militants de l’Institut développent un réseau de partisans de la cause palestinienne au sein des facultés. Ils les enrôlent ensuite pour diffuser et défendre la propagande des mollahs, celle du Hamas ou du Hezbollah. En prenant la parole lors d'événements publics, en écrivant pour des organes de presse, en accordant des interviews aux médias, en créant leurs propres plateformes sur les réseaux sociaux, ces "idiots utiles" propagent l'idéologie de la République islamique. Ils utilisent leurs titres officiels pour légitimer leur propagande comme s’il s’agissait d’une analyse fondée sur la science. Désormais assuré du soutien bienveillant d’une partie du monde univer-sitaire, en 2024, l’Ibraspal organise son premier concours d'articles académiques, "dans le but de promouvoir la recherche et les études sur la région du Moyen-Orient", sur le thème "le sionisme et ses relations avec le nazisme, le fascisme et le racisme". Les en-seignants-chercheurs sympathisants qui écriront les "meilleurs" articles pourront re-cevoir un prix allant jusqu’à 5000 BRL (près de 1000 €) et seront publiés [12]. Critère es-sentiel de sélection des textes soumis : il faudra montrer "qu’il y a un lien entre le sio-nisme et (au choix) le fascisme, le racisme ou le nazisme…". On peut parier qu’il aura plé-thore de candidats au concours… "Le poisson pourrit toujours par la tête" dit un proverbe chinois…
L’institut ne cesse de développer ses relations avec les institutions universitaires et avec le monde politique. Ses représentants multiplient depuis des années les interventions auprès d’étudiants et d’enseignants des universités publiques fédérales. Dans la plupart des facultés où sont enseignées les sciences sociales (anthropologie, sociologie, histoire, psychologie), les thèses défendues par l’Ibraspal sur l’histoire et les causes du conflit israélo-palestinien définissent des "corpus d’enseignement". Les enseignants sont désormais transformés en agents actifs de propagande. Pour échapper à cette doxa militante et partisane, il faut suivre les cours de professeurs isolés et courageux ou étudier dans une université privée. L’Ibraspal cultive aussi ses liens avec les formations de gauche représentées au Congrès et à l’échelle des Etats fédérés (Parti des Travail-leurs, par exemple), avec les petites formations de l’extrême gauche et le Mouvement des Travailleurs sans Terre. Ces dernières organisations soutiennent inconditionnelle-ment le Hamas.
Les activistes chiites dépendant de l’Iran n’ont pas le monopole au Brésil de la diffusion d’une culture antisioniste et antisémite au sein des universités et auprès de la classe politique. D’autres "ONGs" proches de la gauche brésilienne propagent un discours de haine à l’égard d’Israël et collaborent intensément avec le monde académique. C’est le cas de la Federação Ārabe Palestina do Brasil (FEPAL), créée en 1980 par des activistes proches du Parti communiste brésilien. Très liée à l’ambassade qui représente l’autorité palestinienne à Brasilia, la Federação Ārabe Palestina do Brasil (FEPAL), se présente comme une structure de représentation des migrants d’origine palestinienne et descendants qui vivent dans le pays. Ils seraient quelques dizaines de milliers. L’Ibraspal ou la FEPAL ne sont que des exemples. Les experts de ces "ONGs" et leurs affidés, les doctes professeurs-militants ralliés à la dite cause sont évidemment hyperactifs sur les réseaux sociaux, animent souvent leurs propres plateformes qui opèrent comme des usines de trolls coordonnant les sympathisants chargés de publier en nombre les mêmes contenus de propagande propalestinienne, voire clairement antisémite.
A l’université comme dans l’espace public, un bain de culture islamo-gauchiste mâtiné de wokisme est en train de s’imposer. Intolérants, sectaires, les nouveaux inquisiteurs brésiliens affichent un antisémitisme débridé, se lancent même dans la chasse aux Juifs. Voici un exemple, loin d’être isolé. En août 2023, André Lajst, spécialiste de sciences politiques, avait été invité à participer à un panel sur le développement durable en Amazonie organisé à Manaus, au sein de l’Université Fédérale d’Amazonie. Lajst est aussi président de la section brésilienne du mouvement Stand With Us, une institution édu-cative qui se consacre à lutter contre les fake-news concernant Israël et le conflit entre l’Etat hébreu et les Palestiniens. Un groupe d’étudiants antisémites est parvenu à inter-dire l’intervention de l’expert invité. Utilisant des affiches, des drapeaux de la Palestine, vêtus de chemises rouges, ces militants de la cause palestinienne ont accusé le conférencier de vouloir faire l’apologie du "génocide du peuple palestinien". Insulté et traité de nazi (Lajst est petit-fils d’un survivant de la Shoa), le conférencier a dû être exfiltré par la police. Sa prestation a été annulée.
Annonce d'une conférence de la FEPAL dans une université et lancement du concours d'articles de l'Ibraspal.
Les étudiants retiennent les leçons des professeurs. L’anthropologue Francirosy Campos Barbosa enseigne au sein de la faculté de sciences sociales et lettre de l’Université de São Paulo, une des plus importantes d’Amérique du Sud [13]. L’universitaire a consacré ses travaux les plus récents à l’islamophobie qu’elle inscrit dans le cadre des injustices structurelles qui gangrèneraient une société comme le Brésil. Militante du relativisme culturel le plus radical, elle utilise l’argument d’islamophobie pour stigmatiser tout exa-men de l’idéologie islamiste et du comportement de ses acteurs qu’elle qualifie évidem-ment de raciste. L’identification de l’islamisme et du terrorisme, la dénonciation du sort fait à la femme dans les sociétés musulmanes ne seraient que de pures constructions narratives forgées par les oppresseurs occidentaux. Dès le 7 octobre 2023, sur son profil twitter (aujourd’hui désactivé) la docte militante a fait des déclarations en faveur du Hamas, affirmant que "chaque peuple se bat avec les armes qu'il possède", puis a décla-ré que les attaques contre Israël n'étaient que des "expulsions de colons illégaux".
L’Iran peut compter sur des collaborateurs zélés au sein de la gauche identitaire brési-lienne….
A suivre : Des Brésiliens juifs menacés ?
[1] Ces valeurs continuent d’animer des combats politiques, notamment au Brésil. Dans le pays, elles ont motivé et orienté tous les combats émancipateurs (contre la domination portugaise et l’es-clavage, par exemple) qui ont progressivement étendu la sphère des droits fondamentaux et élargi leur application au cours deux derniers siècles. Le fait que la généralisation des valeurs libérales et démocratiques soit encore partielle aujourd'hui (au Brésil et ailleurs) est une raison de plus pour les réaffirmer, surtout à l'heure où les forces obscurantistes et réactionnaires gagnent du terrain partout sur la planète.
[2] Le Venezuela des chavistes, la Colombie de Petro, la Bolivie et le Pérou sont aujourd’hui les prin-cipaux amis du régime des mollahs en Amérique du Sud.
[3] Littéralement Force de Jérusalem. Il s’agit d’une unité d'élite du Corps des Gardiens de la révolu-tion islamique, en Iran. Fondée au début des années 1990, elle est spécialisée dans la guerre non conventionnelle, le renseignement, et les opérations extérieures.
[4] Le Hezbollah est classé terroriste par de nombreux pays occidentaux. Pourtant, il peut déployer facilement ses activités au Brésil. Le mouvement chiite a bénéficié des bonnes relations établies avec l’Iran à partir du premier gouvernement Lula (2003-2006), puis sous le second mandat du leader de gauche (2007-2010), ainsi que sous les mandats de Dilma Rousseff (entre 2011 et 2016). Depuis 2023, avec le retour de Lula au pouvoir, le canal de communication entre Téhéran et Brasilia est plus actif que jamais. Jusqu’à ce jour, contrairement à l’Argentine et au Paraguay, le gouver-nement fédéral brésilien ne considère pas le "Parti d’Allah" comme une organisation terroriste.
[5] En novembre 2023, la Police Fédérale brésilienne a arrêté deux militants du Hezbollah qui prépa-raient des attentats contre des sites juifs au Brésil. Présent en Amérique du Sud, le Hezbollah dispo-se ainsi d’une tête-de-pont pour frapper des communautés juives et des institutions israéliennes. Dans les années 1990, l’Iran et le Hezbollah ont perpétré deux attentats en Argentine : en 1992, le groupe libanais conduisait une attaque à l’explosifs contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires, tuant 22 personnes et en blessant 242. Deux ans plus tard, le centre culturel juif argentin Asociación Mu-tual Israelita Argentina (AMIA) était touché par un attentat à la bombe à l’origine de la mort de 85 per-sonnes de près de 300 blessés. En 2006, l’Argentine accusait officiellement le Hezbollah d’être l’au-teur de cette attaque.
[6] Le Département des relations extérieures (FRD) est chargé officiellement de maintenir les rela-tions entre le Hezbollah et la diaspora libano-chiite. Cependant, en raison de la désignation de l'Organisation de sécurité extérieure (ESO) et d'un contrôle international strict de ses activités, le FRD joue un rôle crucial dans le soutien et la promotion des activités terroristes du Hezbollah à l'étranger par le recrutement, le financement et la diffusion de propagande.
[7] Le rapprochement familial a été et reste un des principaux moteurs de l’immigration de Libanais vers le Brésil. Les hommes qui se sont lancés les premiers dans l’aventure autour des années 1980 ont ensuite fait venir leurs conjointes. Lorsqu'ils ont réussi, ils ont encouragé d’autres membres de la famille à les rejoindre. Les pionniers comme leurs successeurs peuvent bénéficier de l’assistance des centres islamiques, qui les soutient financièrement et mettent à leur disposition des contacts pour développer des activités (le plus souvent dans le commerce), trouver des fournisseurs et des clients.
[8] Il est extrêmement rare que fidèle n’ait pas un parent au sein de la hiérarchie religieuse, chez les scouts Al Mahdi dirigés par le Hezbollah ou dans les écoles du même nom, ou encore un cousin dans les rangs des bataillons militaires du Hezbollah. Les liens familiaux, répartis dans le monde en-tier à travers la vaste étendue de la diaspora libanaise, favorisent l’internationalisation de l’orga-nisation et consolident les comportements de loyauté entre membres et sympathisants.
[9] Ce partenariat permet au PCC d'étendre les débouchés de la drogue sans avoir à construire une infrastructure criminelle lointaine. En effet, le Hezbollah peut compter sur des sympathisants dans le monde entier. L'accès à ce réseau offre au PCC des canaux efficaces pour distribuer des mar-chandises sur des marchés éloignés et pour rapatrier des revenus grâce à des systèmes complexes de blanchiment d'argent basés sur le commerce.
[10] La mosquée fonctionne depuis 1985. A l’origine, un groupe de familles chiites originaires du Liban a créé l’Association Religieuse de Bienfaisance Islamique du Brésil dans le quartier du Brás, afin de réunir la communauté chiite locale, de préserver la pratique religieuse et de collecter des fonds pour construire une mosquée. La mosquée "Mohammed messager de Dieu", également con-nue sous le nom de mosquée du Brás, est sans doute aujourd’hui un des centres de sympathisants du Hezbollah au Brésil.
[11] Dès les années 2000, il a ainsi facilité les premiers contacts entre le cheikh Wehbe - alors représentant du Département des Relations extérieures du Hezbollah en Amérique latine - et des députés et sénateurs des formations de gauche.
[12] Voir le site de l’organisation :
[13] Brésilienne, convertie à l’islam, la professeur Barbosa a réalisé une formation postdoctorale au Royaume-Uni sous l’orientation de Tarik Ramadan ( !). Elle a été membre d'un groupe de travail chargé de lutter contre le "discours de haine et l'extrémisme" au sein du ministère des droits de l'homme du gouvernement Lula.
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