Narguer la puissance américaine.
Depuis la fin du siècle dernier, le Kremlin s’est efforcé d’exploiter les tensions et conflits qui existent entre les différents pays d’Amérique latine et les contentieux qui peuvent opposer ces derniers aux Etats-Unis. Objectif de cette stratégie : constituer sur une ré-gion géographiquement très proche de la première puissance mondiale un groupe de nations significatif et bien décidé à soutenir Moscou sur la scène internationale. Après l’invasion de l’Ukraine, la réussite d’un tel projet paraît de moins en moins assurée. En dé-clenchant une guerre meurtrière, en se comportant comme les vieilles puissances impé-rialistes des siècles passés, la Russie de Poutine a perdu brusquement toute capacité de séduction auprès des gouvernements de nombreux pays latino-américains, quelles que soient les orientations idéologiques des forces politiques au pouvoir.
Sur les vingt dernières années, le Kremlin a dépensé des milliards de dollars pour soute-nir les régimes autocratiques de plusieurs nations de la région. Il a ainsi assuré la péren-nité au pouvoir de régimes rejetés par les populations et isolés sur le plan diplomatique. Moscou n’a pas seulement été une bouée de sauvetage pour le régime chaviste dirigé par Nicolas Maduro. La Russie a aussi fourni un soutien important au pouvoir dictatorial de Daniel Ortega au Nicaragua. Le gouvernement de W. Poutine ne s’est pas contenté de cultiver des liens anciens avec Cuba. Il a engagé des relations nouvelles avec le Pérou, l’Argentine ou le Mexique. En 2020, avec le retour au pouvoir des héritiers de l’ancien président Evo Morales, la Russie s’est rapprochée de la Bolivie. Outre des livraisons d’ar-mes, l’organisation de manœuvres militaires conjointes et les prêts énormes accordés aux amis anciens et nouveaux, le Kremlin a appuyé et alimenté les initiatives régionales de propagande anti-occidentale, les campagnes de désinformation ciblées visant à dé-noncer l’influence nord-américaine et les forces politiques régionales libérales favorables à l’Occident.
Sous le prétexte d’offrir au sous-continent des sources d’information alternatives, la Rus-sie a implanté localement ses réseaux de communication et d’influence. Les médias Russia Today (RT) et Sputnik ont ainsi installé des bureaux d’information dans plusieurs Etats latino-américains et lancé des programmes hispanophones. Leur couverture mêle habilement des informations réelles, des contenus de la presse people et un flux cons-tant d’images et de commentaires qui visent à promouvoir une image positive de la Russie de W. Poutine, tout en dénigrant les Etats-Unis et l’ensemble des démocraties oc-cidentales. Il s’agit de favoriser au sein de l’opinion publique et de l’establishment poli-tique latino-américain l’émergence d’un courant de sympathie, d’un réseau de soutien à la Russie au sein même d’un espace que Moscou perçoit comme le jardin ou le "proche-étranger" de la puissance nord-américaine adverse. Jusqu’aux premières semaines de 2022, cette offensive russe dans l’arrière-cour des Etats-Unis semblait avoir réussi et at-teint des résultats presque inespérés. A la mi-février, W. Poutine accueillait en grandes pompes le Brésilien Jair Bolsonaro. L’ancien ami déclaré de Donald Trump succombait à son tour au charme du maître de la Russie. Reçu au Kremlin, Bolsonaro sera autorisé à s’asseoir aux côtés de son hôte au lieu d’être installé à l’extrémité d’une de ces tables ex-cessivement longues qui permettent à W. Poutine de marquer ses distances avec d’autres visiteurs. Comblé par l’élégance du geste, Bolsonaro n’hésitera pas à déclarer (à quelques jours de l’invasion de l’Ukraine et alors que l’offensive russe est devenue probable) que le Brésil était "solidaire" de la Russie. Evidemment satisfait, W. Poutine n’hésitera pas à qualifier le Brésil de partenaire le plus important de Moscou en Amérique latine. Quelques jours plus tôt, il avait reçu également au Kremlin le Président Fernandez d’Argentine. Buenos Aires venait alors de finaliser un accord avec le FMI qui devrait sauver l’Argentine de la banqueroute. Après avoir reçu son partenaire argentin, Poutine déclarera que la Russie peut aider le second pays d’Amérique du Sud à réduire sa dépendance par rapport au FMI et aux Etats-Unis. La nouvelle Russie ne se contentait pas de courtiser les Argentins ou le Brésil de Bolsonaro. Elle entretenait de bonnes re-lations avec le Mexique gouverné par la gauche depuis 2018, avec la Bolivie, le Salvador ou le Honduras.
En somme, à la veille de l’invasion de l’Ukraine, le pouvoir russe semblait avoir créé un solide réseau d’amitiés en passe de déborder largement les alliances anciennes établies avec le régime cubain, avec la dictature chaviste ou avec le pouvoir de la famille Ortega au Nicaragua. L’invasion de l’Ukraine a fragilisé ou détruit brusquement ces amitiés sou-vent récentes. Quelques jours après le déclenchement des hostilités par Moscou, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait une résolution déplorant dans les ter-mes les plus énergiques « l’agression » commise par la Russie contre l’Ukraine et exi-geant que la Russie retire immédiatement ses forces militaires du territoire ukrainien. Cette résolution a été adoptée par 141 voix contre 5, et aucun pays d'Amérique latine n'a voté contre. Les amis les plus anciens de Moscou (Cuba, le Nicaragua, le Salvador) se sont abstenus. Parce qu’il n’est pas à jour du paiement de sa contribution à l’ONU, le Venezuela ne pouvait pas prendre part au vote. Tous les autres pays du sous-continent ont voté la résolution, manifestant clairement leur opposition à la campagne meurtrière engagée par Poutine.
Un retour progressif après la fin de l’URSS.
Après l’effondrement de l’empire soviétique, les Russes attendront plusieurs années avant de s’intéresser à nouveau à l’Amérique latine. La Russie de Boris Eltsine n’a ni les moyens, ni la volonté de maintenir les liens construits avec quelques pays de la région (Cuba notamment) sur la base d’affinités idéologiques. Elle sait qu’elle ne peut pas ac-corder à ces Etats le soutien financier dont ils ont besoin. Dans ces conditions, jusqu’au dernières années de la décennie 1990, il n’y aura pratiquement plus de présence russe en Amérique latine. Confronté à d’énormes difficultés économiques après l’écroulement du système communiste, le gouvernement de Boris Eltsine est contraint de coopérer avec les puissances occidentales. Dans ce contexte, le développement ou même le maintien de relations avec le sous-continent latino-américain deviennent des enjeux très secondaires.
Visite de Gorbatchev à Cuba en 1989, juste avant l'effondrement de l'URSS.
La situation change à la fin du siècle passé lorsque W. Poutine arrive à la tête de l’Etat russe. Inexistantes sous le gouvernement Eltsine, les visites d’envoyés du Kremlin se multiplient à partir de 2000. La Russie annonce qu’elle souhaite établir des relations avec de nouveaux partenaires sur la région et raviver les alliances plus anciennes. Elle se rap-proche ainsi de pays comme la Colombie à la fin de la Présidence d’Ernesto Samper, en 1998. Ce dernier a été accusé d’avoir financé sa campagne électorale grâce à des fonds fournis par un cartel de la drogue. Moscou est un des rares gouvernements à soutenir alors le chef de l’Etat en poste à Bogota. Ce dernier sait se montrer reconnaissant. L’ar-mée colombienne fera l’acquisition d’hélicoptères russes au lieu de commander comme cela avait toujours été l’usage du matériel de guerre nord-américain.
Le rapprochement entre la Russie et les nations latino-américaines ne se limite pas alors au renforcement des relations diplomatiques. Des entreprises russes du secteur de l’énergie (pétrole, pétrochimie, gaz) et du complexe militaro-industriel vont s’implanter sur le sous-continent à la recherche de nouveaux marchés ou de partenariats d’investis-sement. Le commerce bilatéral entre la Russie et plusieurs pays latino-américains augmente. C’est le cas notamment avec l’Argentine, le Brésil et le Mexique. Les nations du sous-continent restent néanmoins des partenaires secondaires. La Russie privilégie les échanges avec l’Asie et les grands pays d’Europe occidentale. Dominées par quelques filières de production et d’exportation de matières premières, les économies latino-américaines et l’économie russe sont moins complémentaires que concurrentes. Peu ou pas compétitives, les entreprises russes de l’industrie manufacturière ne parviennent pas à s’implanter durablement sur le marché du sous-continent.
Les années fastes.
Les relations entre la Russie et le sous-continent vont vraiment se développer à la faveur de l’arrivée au pouvoir de forces de gauche dans de nombreux pays d’Amérique latine au début des années 2000. Ce ne sont pourtant pas des affinités idéologiques qui expli-quent le sérieux renforcement du partenariat avec le Brésil de Lula, l’Argentine de Kirchner ou les pays de l’Alliance bolivarienne (ALBA)[1] qui se produit alors. Ce renfor-cement a lieu parce qu’il offre à tous les partenaires des avantages politiques appré-ciables et quelques bénéfices sur le plan économique. Ainsi, avec la création du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en 2009, le Brésil se trouve formel-lement associé à des puissances de premier plan (la Chine mais aussi….la Russie) et voit ainsi sa dimension d’acteur global reconnue. L’Argentine va de son côté bénéficier du soutien de Moscou alors que le pays affronte une situation très difficile, après la crise fi-nancière de 2001. De leur côté, en renforçant leurs liens avec la Russie, les principaux pays de l’alliance bolivarienne (Venezuela, Cuba et Nicaragua) misent sur un partenaire qui se garde de bien de remettre en cause les régimes politiques des pays alliés et de soulever des polémiques sur le respect des droits de l’homme, les persécutions dont souffrent les opposants, les abus de pouvoir de toutes sortes. Réciproquement, les dirigeants de La Havane, de Caracas ou de Managua ne s’aventurent pas à débattre de la conduite de la politique en Russie.
Hugo Chavez en visite à Moscou dans les années 2000.
A partir de la fin des années 2000, le Kremlin va afficher une posture de plus en plus clairement anti-américaine. Moscou plaide régulièrement en faveur d’un nouvel ordre mondial multipolaire. Ce positionnement géopolitique est en phase avec les orientations des leaders de l’ALBA que sont Hugo Chavez, Raul Castro ou Daniel Ortega. Un autre infléchissement majeur du discours officiel russe va favoriser le resserrement des liens avec les alliés traditionnels de Moscou dans la région et d’autres pays du sous-continent. La Russie moderne de Poutine ne rejette plus l’expérience soviétique du passé. Elle la glorifie. Cette nouvelle attitude est bien reçue dans les rangs des nouveaux dirigeants de la gauche latino-américaine qui viennent d’accéder au pouvoir au Brésil, en Argentine ou au Pérou. Plusieurs d’entre eux ont en effet animé les mouvements de lutte contre les dictatures à l’époque de la guerre froide. L’URSS et les pays satellites étaient alors des pourvoyeurs de fonds des rébellions latino-américaines, des alliés politiques. Ces Etats accueillaient volontiers les guérilleros et les militants pourchassés dans leurs pays par les régimes militaires. La glorification de l’ère soviétique désormais pratiquée par le Kremlin ravit les leaders de gauche qui gouvernent alors en Argentine, au Brésil, en Bolivie ou au Chili. Le discours de Moscou sonne comme une légitimation des ardeurs révolutionnaires de leur jeunesse. En ne reniant plus le régime soviétique d’hier, en ambi-tionnant de rétablir la Russie comme puissance impériale face à l’Occident, Poutine s’attire la sympathie des gouvernements de gauche latino-américains qui partagent sa vision binaire du monde.
Les pays de l’alliance bolivarienne savent pourtant que la Russie du XXIe siècle ne peut plus être aussi généreuse que l’URSS d’hier l’a été à l’égard de Cuba. Ils espèrent cependant que Moscou pourra fournir une aide financière en puisant dans ses revenus pétroliers et gaziers. Le calcul se révèle assez juste. Le Venezuela, Cuba et le Nicaragua vont bénéficier d’une coopération militaire. Ces Etats se mettent au service des initiatives provocatrices que Moscou multiplie à l’égard de Washington. Les trois pays accueillent un temps des bombardiers stratégiques et des navires de guerre russes [2]. Ils recon-naissent l’indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, offrent des zones pour l’installation de bases militaires, soutiennent les positions russes aux Nations unies. En échange, ils reçoivent effectivement une aide et des crédits russes. La dette de La Havane datant de l'ère soviétique est effacée…
Sur les marches de l’autre empire.
Quel est alors pour les Russes l’intérêt principal de ce resserrement des liens avec le sous-continent latino-américain et la construction de partenariats au-delà des relations historiques héritées de l’époque soviétique ? Pour le Kremlin, la région est "le proche-étranger" des Etats-Unis, les marches de leur empire, une arrière-cour. Inspirée par une vision impériale du monde et une fièvre obsidionale, la Russie perçoit aussi les nations orientales comme son "proche-étranger", son arrière-cour, un espace dont le destin concerne directement le centre de l’empire, où ce dernier à des intérêts stratégiques. Tous les efforts menés depuis la fin du système soviétique par les anciens pays frères pour se rapprocher de l’occident et assurer leur sécurité sont interprétés comme autant de manœuvres de Washington qui ignorerait systématiquement les intérêts naturels de la Russie. En engageant sa stratégie d’influence sur l’Amérique latine, Moscou se contenterait de répliquer à une offensive occidentale. Les Russes répondent à cette of-fensive en affichant une présence de plus en plus ostentatoire sur les marches de l’autre empire [3].
Dès 1997, lors d’une visite en Amérique latine en 1997, le vice-premier ministre russe de l’époque répétera que si la Russie maintient une présence dans la région, c’est d’abord pour contraindre les puissances occidentales à prendre en compte le fait que Moscou a des intérêts dans les pays de son "proche-étranger". Moscou multiplie les incursions aux marges de l’empire adverse parce que ce dernier n’a pas hésité à s’installer sur l’arrière-cour de la "grande Russie" qu’entend ressusciter le régime de Poutine. Cette conception se renforcera sur les années suivantes. En 2013, Moscou déclarera que les relations éta-blies avec l’Amérique latine sont d’importance stratégique.
Les incursions de la Russie sur le "proche-étranger" des Etats-Unis ne se limitent pas, loin s’en faut, au seul domaine militaire. Le sous-continent occupe une place spéciale dans la construction de l’image que l’Etat russe veut donner de lui-même dans les grands médias et les chaînes de télévision nationales qu’il contrôle. L’exceptionnelle popularité dont a longtemps bénéficié Wladimir Poutine dans son pays est fortement associée à son image de chef parvenu à restaurer la Russie dans son statut et son rôle de puissance mondiale. Selon la propagande officielle, l’homme du Kremlin aurait engagé une véri-table reconstruction de feu l’empire russe, un empire dont le seul rival important serait les Etats-Unis. Dans la construction du récit de cette renaissance, l’Amérique latine n’est pas un acteur mineur. Les activités de l’Etat et des acteurs privés russes sur le sous-continent sont autant d’occasions de montrer que la Russie est bien une puissance mondiale puisqu’elle est capable d’être présente dans l’arrière-cour de la puissance rivale. Les visites qu’ont réalisées ces dernières années les hauts responsables de l’Etat et le Président Poutine dans plusieurs pays de la région ont bénéficié d’une énorme cou-verture sur les principales chaînes de télévision et dans la presse écrite russes. Cette couverture a même pris une dimension considérable à partir de 2008 lorsque des diri-geants latino-américains (notamment les chefs d’Etat des pays de l’ALBA) ont multiplié les déclarations conjointes lors de visites de personnalités politiques russes et souligné le rôle qu’allait jouer la Russie dans la construction d’un nouvel ordre politique mondial "juste", s’opposant aux plans de Washington et de ses alliés. Sur les années récentes, au cours de la guerre civile en Syrie puis avec l’éclosion du conflit entre l’Ukraine et la Russie, les médias contrôlés par Moscou ont systématiquement mis en évidence le soutien apporté par des dirigeants latino-américains à la position russe.
Un quart de siècle après la fin de l'Union soviétique, l'Amérique latine est apparue comme la seule région géographiquement, économiquement et politiquement vaste de "l'étranger lointain" de la Russie qui permette au Kremlin d’engager sa stratégie interna-tionale moyennant un coût économique et politique acceptable. A la veille de la guerre contre l’Ukraine, le décor semblait solide. La Russie était parvenue à établir des relations stables avec tous les pays du sous-continent latino-américain. Ces derniers semblaient de plus en plus enclins à prendre leurs distances avec la stratégie d’isolement de Moscou conduite par les Etats-Unis. Le pays que dirige Poutine avait obtenu un statut d’observateur à l’Organisation des Etats Américains (OEA). Il entretenait des relations diplomatiques avec plusieurs organisations de la région comme le Mercosur. Les res-sortissants russes pouvaient voyager sans visa dans presque toute l'Amérique latine et les Caraïbes. Cette dernière zone était d’ailleurs devenue l'une des destinations touris-tiques les plus prisées par les riches et la classe moyenne russes. La diaspora russe en Amérique latine n'est pas aussi importante que dans d'autres parties du monde, mais Moscou souhaitait explorer les possibilités de tirer parti des Russes résidant dans la région. Le Kremlin cultivait des relations régulières avec les milliers de latino-américains qui avaient décroché des diplômes supérieurs dans les universités soviétiques et russes. Beaucoup occupent aujourd’hui des postes importants au sein de la classe politique du sous-continent. Certes, la stratégie d’influence de la Russie dans la région rencontrait des obstacles. Le soutien apporté à un régime vénézuélien au bord de l’effondrement repré-sentait un coût financier et diplomatique important. La relation entre Cuba et les Etats-Unis a connu des hauts et des bas sous les Présidence Obama puis Trump, ce qui a pu inquiéter les diplomates de Moscou. A la fin des années 2010, la gauche latino-américaine favorable à Moscou a perdu le pouvoir dans plusieurs pays. Pourtant, W. Poutine n’a pas délaissé "l’arrière-cour de l’autre empire". Il n’a pas cessé de mener une stratégie d’intrusion en Amérique latine, stratégie à la fois militaire, technologique et industrielle, culturelle et informationnelle.
A suivre : Acteurs et réseaux d’une stratégie d’influence.
[1] L'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ou ALBA) est une orga-nisation politique, culturelle, sociale et économique destinée à promouvoir l'intégration des pays de l'Amérique latine et des Caraïbes. Elle entend promouvoir la construction d’un nouvel ordre international multipolaire. Né en décembre 2004 sous l’inspiration de Fidel Castro et de Hugo Chavez, elle se voulait une alternative à la proposition de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), promue par les États-Unis. Elle est entrée officiellement en vigueur le 28 avril 2005. Au 1er janvier 2022, après un long processus de désagrégation, elle ne comptait plus que 5 pays membres (Venezuela, Cuba, le Nicaragua, la Bolivie, Dominique, Saint-Vincent et Grenadines).
[2] La coopération militaire russe avec les pays d’Amérique latine cependant reste limitée. Moscou n'aspire pas à établir une présence militaire significative dans la région. La Russie n'a pas les moyens d'assurer une telle présence. L’objectif du Kremlin n’est pas de s'engager financièrement à long terme en Amérique latine. Les déplacements de navires de guerre et de bombardiers stratégiques vers l'Amérique centrale et du Sud sont en réalité des séquences d’une opération de communication politique qui pourrait s’intituler "Making Russia Great Again" et dont le grand public russe est la cible principale.
[3] Lors de la crise en Géorgie en 2008 et en Ukraine en 2014, la Russie a un temps hésité sur la stratégie à conduire en raison notamment de la présence de la marine américaine en mer Noire et du soutien de Washington à Tbilissi et à Kiev. De ce point de vue, les coups de communication spectaculaires mais brefs réalisés en Amérique du Sud et centrale obéissent à une logique que Moscou considère comme relevant de la représaille : la Russie a commencé à envoyer ses avions et et ses navires de guerre en Amérique latine peu après la guerre russo-géorgienne de 2008. L’accroissement de la coopération militaire avec le Nicaragua a coïncidé avec la détérioration de la situation en Ukraine et l'annexion de la Crimée (2014).
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