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Photo du rédacteurJean Yves Carfantan

Du Covid à une nouvelle crise alimentaire (2).

Le grain du pauvre pour la vache du riche ?


Le slogan fut en vogue il y a près de quarante ans chez les militants tiers-mondistes fran-çais. Prenant l’exemple du Brésil, une campagne d’opinion lancée alors affirmait qu’en dé-veloppant des filières agro-industrielles tournées vers les marchés mondiaux, le pays affamait sa population en raison de la concurrence entre cultures vivrières et spé-culations destinées à l’exportation. Alors que l’insécurité alimentaire touche aujourd’hui à nouveau une partie de la population, l’argument est repris avec force par des orga-nisations brésiliennes de la gauche radicale (le fameux Mouvement des Paysans sans Terre, notamment…), des Ongs européennes et des chroniqueurs de médias.


La faute au soja et….aux Chinois ?


Le feijão (haricot) est avec le riz une des composantes essentielles de l’alimentation tra-ditionnelle des Brésiliens. Arroz (le riz) et feijão ont longtemps constitué les éléments majeurs de la diète alimentaire des ménages, notamment les plus modestes. Depuis le début de la pandémie et de la crise sociale et économique qui l’accompagne, les prix des denrées alimentaires de base ont fortement augmenté. Le riz et le feijão sont de-venus de plus en plus chers. Alors que ces produits deviennent inaccessibles pour les consommateurs brésiliens les plus modestes, les agriculteurs plantent de plus en plus de soja. Des médias nationaux très orientés à gauche et de nombreuses ONGs locales ou étrangères actualisent donc la thèse ancienne évoquée plus haut. Si des millions de Brésiliens souffrent de diverses formes d’insécurité alimentaire, ils sont les victimes d’une politique agricole qui ne s’intéresserait qu’aux exportations. Au fil des dernières décen-nies, tout aurait été fait pour que les producteurs brésiliens privilégient des spéculations destinées aux marchés étrangers et oublient les besoins alimentaires de base de leurs concitoyens, par exemple le feijão et le riz.




Le soja est effectivement depuis cinquante ans la culture annuelle qui domine dans un grand nombre de régions agricoles. Cette plante intéresse les semenciers brésiliens qui ont multiplié les investissements en recherche-innovation afin de mettre au point et de commercialiser des variétés adaptées aux contextes climatiques divers qui prévalent sur ce pays continent. Le rendement moyen que peut attendre l’exploitant agricole a ainsi considérablement augmenté. Les efforts d’innovation ont aussi concerné la lutte contre les parasites et les maladies phytosanitaires, l’utilisation des biotechnologies (la quasi-to-talité de la production est une production génétiquement modifiée). Le soja est une culture moins risquée que d’autres sur le plan commercial, souvent rentable, dont la demande nationale et mondiale a considérablement augmenté au cours des dernières décennies. C’est donc une production pour laquelle il est plus facile d’obtenir des crédits bancaires. La culture du soja est encore une spéculation favorisée dans les plans an-nuels de financements à taux bonifiés qui permettent aux exploitants de faire face aux coûts d’installation des cultures (semis, traitements, fertilisation). Ajoutons encore que le soja en grains est commercialisé sur un marché très structuré. Les collecteurs peuvent couvrir leur risque de prix en utilisant des marchés à terme. Les filières de de stockage, de transport, d’acheminement vers les pôles de consommation et les ports d’exportation sont animées par des acteurs économiques fiables, organisés.


Depuis des lustres, petits exploitants, coopératives et grandes entreprises agricoles n’hé-sitent donc plus. Sur les exploitations du Sud comme sur les domaines du Centre-Ouest, le soja s’est imposé comme culture d’été dominante. Au cours des 44 années qui se sont écoulées entre la campagne 1976/77 et celle de 2020/21, les surfaces consacrées au soja ont été multipliées par 5 à l’échelle nationale, passant de 6,9 à 38,9 millions d’hec-tares. Dans le même temps, la sole affectée à la culture du feijão a baissé de 35%, recu-lant de 4,9 à 2,9 millions d’hectares. Les gains de productivité ont compensé la con-traction des surfaces plantées. Le Brésil produit aujourd’hui autant de feijão qu’au milieu des années soixante-dix mais pour une population qui a augmenté depuis de 89,8%. La riziculture a connu une trajectoire similaire. Les surfaces cultivées ont fortement régressé depuis 1976/77. La production a peu progressé.


La conclusion de nombreux observateurs partisans est donc simple : le plat de base des consommateurs brésiliens est devenu de plus en plus cher en raison de la contraction des surfaces qui sont consacrées aux cultures de base et de la stagnation de la pro-duction qui a suivi. C’est l’essor de cultures d’exportation comme le soja au détriment de productions traditionnelles qui explique les difficultés d’approvisionnement auxquelles sont aujourd’hui confrontés les consommateurs à faible pouvoir d’achat. Voilà l’expli-cation principale du retour de la faim : le Brésil rural ne produit pas pour couvrir les besoins de sa population. Il ne se contente d’ailleurs pas de consacrer près de 40 millions de terres cultivables au soja, une culture principalement destinée au marché chinois (porcs et volailles de l’empire du milieu ont un grand appétit). Il produit de la canne-à-sucre pour faire de l'éthanol (carburant). Des millions d’hectares de pâturages sont chargés de têtes de bovins. Une large part de la production des abattoirs brésiliens se retrouve encore sur les gondoles des supermarchés chinois ou dans les frigos des pays du Golfe. C’est aussi le cas de la production des élevages de volailles. Confrontée à de sérieux problèmes sanitaires, la Chine achète de plus en plus de carcasses de porcs brésiliens…. Hier, on accusait le consommateur européen d’arracher son grain au pauvre brésilien. Désormais, les responsables de la faim au Brésil doivent être recherchés dans les mégapoles de l’empire du milieu et les pétro-monarchies du Proche-Orient....


Le soja est aussi dans les assiettes des Brésiliens.


Dans le premier post de cette série, on a évoqué le slogan peint en fin 2021 sur la facade du siège de l’Association nationale des Producteurs de soja (Aprosoja) à Brasilia. Des mili-tants du fameux Mouvement des Sans Terre avaient tagué une sentence apparemment indiscutable : « le soja ne remplit pas le ventre »… La réalité est un peu plus compliquée...


Considérons la période de trois ans allant de 2018 à 2021 et couvrant trois campagnes agricoles. La production nationale de soja a atteint en moyenne 123,94 millions de tonnes. Les volumes de soja en grains (sans transformation) directement exportés ont atteint en moyenne 80,11 millions de t. Il est donc juste de dire que le soja est une culture d’exportation (64,6 % de la production sont écoulés sur les marchés internationaux). Le client principal de la filière du soja en grains est le marché chinois (80% des volumes exportés sont dirigés vers des ports de la République populaire). En Chine, la demande émane de triturateurs locaux qui doivent assurer l’approvisionnement de leurs usines en matières premières et pouvoir ainsi fournir en protéines la filière nationale des aliments du bétail (porcs, volailles, vaches laitières). Le soja serait donc une culture développée au bénéfice des consommateurs chinois et au mépris des besoins alimentaires de base de la population brésilienne. Avant de confirmer cette sentence péremptoire, il peut être utile de s’arrêter un instant aux conditions de production de cet oléagineux puis d’exa-miner le fonctionnement de la filière en aval des bassins agricoles de production.


Utilisation du soja produit au Brésil (données moyennes, années 2018 à 2020.


Source : Abiove.


Le soja brésilien est une culture d’été. Selon les régions et les variétés, il est semé en octobre-novembre et récolté entre janvier et avril. La recherche agronomique, la mise au point de nouvelles variétés et techniques de cultures, la fertilisation ont permis au Brésil de développer des systèmes d’assolement permettant deux récoltes au cours d’une campagne. Le soja, culture d’été est un excellent précédent cultural dans la rotation pour des cultures d’hiver comme le maïs. L’essor des surfaces consacrées au soja sur plusieurs bassins agricoles du Centre-Ouest a ainsi permis l’expansion des surfaces consacrées au maïs d’hiver, une culture principalement destinée à couvrir des besoins domestiques.


Le Brésil est devenu sur les trente-cinq dernières années un des premiers pays pro-ducteurs mondiaux de maïs. La récolte nationale a pratiquement été multipliée par 4. Entre 1985 et 1988, le maïs était encore presqu’exclusivement une culture d’été (93% des surfaces plantées et 97,8% de la production). Progressivement, avec la mise au point de nouvelles variétés hivernales, la hausse de la demande et une meilleure organisation du marché, les agriculteurs ont développé le maïs comme culture d’hiver. Entre 2018 et 2021, le maïs d’hiver représentait 74,4% des surfaces plantées et 72% de la production. La sole occupée par la céréale en période estivale a été divisée par trois. La sole occupée par le maïs en hiver est passée de 511 600 hectares à 13,877 millions d’hectares. Dans la majorité des régions où le maïs d’hiver a progressé (Etats du Sud, Centre-Ouest), il est semé après la récolte de soja. L’expansion de la sole en maïs d’hiver est très liée à l’essor des surfaces cultivées en soja.


Où va le maïs produit au Brésil ? Les exportations absorbent un tiers de la production. Les deux tiers de la récolte sont donc utilisés sur le marché domestique. Le maïs est encore un ingrédient de plats traditionnels. Il est surtout une matière première importante pour diverses industries alimentaires. Il est transformé pour fournir un biocombustible. Surtout, il représente un composant essentiel (apport calorique) dans la fabrication d’aliments pour le bétail. Plus de la moitié de la récolte nationale est utilisée par l’industrie nationale spécialisée dans la production d’aliments pour volailles, de rations porcines ou de compléments pour l’alimentation des vaches laitières. Cette part de la récolte se retrouve donc sur les tables d’une grande majorité de Brésiliens sous la forme de produits carnés, de laitages transformés ou d’œufs….


Brève histoire d’une filière nationale.


Au cours des dernières décennies, les grandes filières nationales qui assurent au-jourd’hui l’essentiel des exportations agricoles et agroalimentaires du pays ne se sont pas développées en tournant le dos au marché intérieur. C’est au contraire une fois la de-mande domestique couverte qu’elles ont accru les volumes et diversifié les produits livrés sur les marchés internationaux. En ce sens, l’essor d’un complexe agro-industriel brésilien à partir des années 30 du XXe siècle marque une rupture profonde avec la dynamique de développement agricole qui prévalait auparavant. La croissance et la diversification de l’offre de denrées agricoles destinées au marché intérieur est en phé-nomène relativement récent dans l’histoire du pays.



Sur les premières années du XXe siècle, avant le premier conflit mondial, près des deux tiers de la production agricole brésilienne (café, sucre, viande de bœuf essentiellement) est exportée. L’immense territoire brésilien est sous-occupé et donc peu mis en valeur. Les cultures destinées à la subsistance de populations essentiellement rurales (maïs, riz, haricot noir) sont installées entre les rangs de caféiers (les fameuses rues de café) ou comme activités complémentaires en marge des plantations de canne ou des pâturages. La Grande Guerre et l’affaiblissement des relations commerciales, l’essor d’une demande intérieure liée à la croissance de la population (qui double entre 1900 et 1930, notam-ment en raison de l’immigration), le début d’urbanisation : tous ces éléments vont en-courager le développement et la diversification de la production agricole orientée vers le marché intérieur. En 1920, les denrées destinées à l’exportation ne représentent plus que 36% de la production agricole nationale.


Après 1930, la priorité économique de l’Etat brésilien est l’essor de l’industrialisation. Dans ce cadre, la production de matières premières agricoles destinées à l’industrie et de den-rées alimentaires pour couvrir les besoins d’une population urbaine en croissance devient une priorité. Le projet de développement national conçu pendant les gouverne-ments Vargas (1930-1945) privilégie l’industrie mais n’oublie pas pour autant l’agriculture. Le secteur va connaître avant et après la Seconde Guerre mondiale une forte expansion en termes de territoires occupés et une croissance de la production. Les cultures an-nuelles (céréales, soja, coton) sont développées dans le Sud. Elles occupent de nou-velles régions du pays dans les années 1960.


Le soja se développe alors parce qu’il représente une culture intéressante pour les agri-culteurs (c'est une bonne tête d’assolement pour les cultures céréalières, le marché intérieur est en plein essor) et que la production est encouragée par la politique agricole (facilités de crédit). En 1965, le Brésil produisait 5 millions de t. de soja. Quinze ans plus tard, cette production dépasse 15 millions de t. La croissance de la production de soja va entraîner le développement de capacités industrielles nouvelles destinées à assurer la trituration des graines, notamment pour couvrir les besoins en huile et en protéines qui augmentent. Le Brésil compte aujourd’hui 62 entreprises nationales (firmes privées et coopératives agricoles) et filiales de groupes étrangers qui gèrent 121 sites de trituration et 59 usines de raffinage d’huile de soja. La filière nationale du soja n’est pas une filière enclavée dont les effets d’entraînement sur l’économie domestique se limiteraient au versement de royalties aux pouvoirs publics. C’est un vecteur de développement économique et industriel des régions concernées [1].


Que devient la part de la récolte nationale qui n’est pas exportée ? Les 121 unités de tritu-ration mentionnées plus haut ont traité entre 2018 et 2021 un volume moyen de 44,6 mil-

lions de t. de graines de soja. La trituration [2] fournit du tourteau, une matière première riche en protéines et très prisée en alimentation animale. Sur la période évoquée ici, les triturateurs brésiliens ont fourni 34,2 millions de t. de tourteau. Sur ce volume, 16,7 mil-lions de t. ont été écoulées à l’exportation (49% environ). Les ventes domestiques ont porté sur une moyenne de 17,69 millions de t.


Du soja aux viandes.


Au cours des dernières décennies, ces ventes ont progressé avec l’essor de l’industrie nationale de l’alimentation animale. Au Brésil, cette industrie approvisionne princi-palement les élevages de volailles, les élevages spécialisés en bovins-lait et les éle-vages porcins. Ici encore, la croissance de ces élevages et des productions animales ne dépend pas seulement du dynamisme de la demande mondiale. Elle est également très liée à la progression sur les dernières décennies de la consommation intérieure de protéines animales. Le marché des aliments pour animaux d’élevage émerge au Brésil à partir des années 1970. La consommation nationale atteint 11,328 millions de t. en 1978. Elle est multipliée par 5 sur les quatre décennies suivantes (le volume total de la de-mande porte sur 57,5 millions de t. en 2020. Le développement spectaculaire du marché est lié principalement à l’essor des élevages intensifs de volailles (poulet de chair et poules pondeuses principalement).


En 2020, la filière volailles représentait près de 54% du marché national des industries de l’alimentation animale, contre 22,9% pour les élevages porcins et 15,8% pour la filière bovine. L’expansion des élevages de volailles [3] à partir des années 1970 aura été le prin-cipal déterminant de la croissance de la demande intérieure de tourteau de soja. La production nationale de poulet de chair connaît un essor en réponse à la progression du marché intérieur. En 1980, la consommation domestique porte sur 1 million de t. Cette consommation est multipliée par 5 sur les vingt ans qui suivent. Au début des années 1990, un Brésilien consommait en moyenne 24, 8 kilos de viande de poulet par an. Trois décennies plus tard, cette consommation moyenne dépasse 45 kg.


Production et destinations de la viande de poulet sur 45 ans.

Source : ABPA. et Conab.


Jusqu’à aujourd’hui, le marché national constitue le premier débouché de la filière : il a absorbé 69% de la production en 2020. Il est d’ailleurs intéressant d’observer qu’avant 2000, les principaux bassins d’élevage de poulets et sites d’industries d’abattage-découpe étaient concentrés sur l’Etat de São Paulo, du Rio Grande do Sul, du Paraná ainsi qu’à l’ouest de l’Etat du Santa Catarina, des régions à la fois très importantes pour la production de soja et de maïs et relativement proches des grandes concentrations ur-baines du pays. L’expansion de la filière avicole sur le Centre-Ouest (Goiás, Mato Grosso) après 2000 accompagne l’essor sur cette région des cultures du soja et du maïs. Il s’agit aussi d’approvisionner des marchés urbains en pleine croissance de la région. Outre des villes comme Cuiaba et les nouveaux pôles urbains du Mato Grosso, la filière appro-visionne la mégapole formée désormais par les 18 communes du Goiás proche de Bra-silia (dont Goiânia, la capitale de cet Etat) et le District Fédéral lui-même. Cet ensemble compte aujourd’hui plus de 7,6 millions d’habitants. Des norias de camions chargés de poulets entiers et de découpes acheminent ainsi leurs produits depuis le complexe industriel de la firme BRF (leader national en viandes de volailles) de Rio Verde (sud de l'Etat de Goiás vers Goiânia, à 230 km vers le nord.


En aval de la filière du soja, l’apport nutritionnel de cette culture se retrouve donc dans les filets de poulet. Il se retrouve aussi dans la traditionnelle feijoada (préparée avec de la viande de porc, du riz et du feijão). Le tourteau de soja produit dans les usines de trituration n'est pas seulement destiné à l’exportation. Il devient de la viande disponible sur la table d’une majorité de Brésiliens.


La première huile consommée dans le pays.


Avant 1970, la consommation nationale de d’huile brute (non raffinée) de soja est infé-rieure à 100 000 t./an. En 1980, le marché brésilien absorbe 1,49 million de t. Au milieu des années 1990, la demande intérieure dépasse 2,6 millions de t. d’huile brute de soja.. Cette augmentation rapide correspond à une évolution des habitudes alimentaires. Il y a cinquante ans, sur le marché national des matières grasses, l’huile de soja était en con-currence avec l’huile d’arachide ou avec la graisse de porc. Les autorités fédérales ont favorisé l’essor de la consommation d’huile de soja. La réduction des coûts de trituration, de raffinage et des frais de commercialisation a amélioré la compétitivité d’un produit qui est désormais privilégié par une majorité de consommateurs à bas revenus. Après l’adop-tion du Plan Real (1994) et la fin de l’hyperinflation, le marché intérieur de l’huile de soja a encore progressé. Pendant plusieurs années, les débouchés domestiques ont été l’utili-sation comme huile de cuisine, la production de margarines et de produits hydrogénés divers. En 2010, les ventes domestique dépassent 5,3 millions de t. A partir de la fin des années 2000, aux débouchés intérieurs traditionnels s’ajoute l’utilisation de l’huile de soja comme matière première pour la production de biodiesel. En 2020, la consommation na-tionale porte sur 8,53 millions de t., soit 89,2% de la production.


Sur les rayons des supermarchés brésiliens, on trouve de l’huile de maïs, de colza ou de tournesol, des produits prisés par les catégories de consommateurs aisés et qui sont en général 50% plus chers que l’huile de soja, l’huile de cuisine la plus utilisée par les famil-les modestes. De nombreux produits alimentaires que l’on trouve fréquemment dans le caddy de ces ménages, de la tablette de chocolat aux biscuits en passant par le hamburger ou la saucisse, seraient difficiles à produire sans utiliser de la lécithine de soja, un autre produit de la trituration des graines…La lécithine est le principal produit émulsionnant utilisé dans l’industrie alimentaire.

 

Très engagées sur les marchés d’exportation, générant un excédent commercial essen-tiel pour l’équilibre des comptes extérieurs, les grandes filières agro-alimentaires natio-nales ont aussi accompagné et couvert une demande alimentaire domestique qui a beaucoup changé au cours des dernières décennies. Cette mutation concerne toutes les couches sociales, y compris les catégories de la population les plus modestes. Ces dernières ont aussi intégré dans leur consommation de plus en plus de viandes, de produits laitiers, d’œufs ou de produits transformés. Les filières agro-industrielles expor-tatrices sont aussi des filières d’approvisionnement des marchés nationaux. Elles fournis-sent les supermarchés des quartiers périphériques des mégapoles où se concentrent de plus en plus les familles qui sont les plus vulnérables sur le plan économique.



A suivre : le soja nourrit aussi les pauvres brésiliens.


 

[1] La filière du soja (des activités d’amont aux exploitations spécialisées puis aux activités d’aval) assure 1,5 million d’emplois directs. A ces emplois directs, il faut ajouter plusieurs centaines de milliers d’emplois indirects concernant la logistique, le transport, les ser-vices financiers et commerciaux. Sur tous les pôles où le soja est devenu une activité majeure, les indicateurs de développement économique et social (Indicateur de Dé-veloppement Humain par exemple) sont meilleurs que les moyennes nationales. [2] On triture et on broie des graines de soja pour en extraire l'huile. Une fois l'huile ex-traite, on obtient un résidu plus ou moins gras et plus ou moins riche en protéines, qu'on appelle le tourteau. La trituration des graines est la première étape du procédé d'ob-tention de l’huile brute de soja. Une seconde étape, le raffinage, permet d’obtenir une huile de consommation. [3] L’expansion de la filière avicole a dynamisé la demande de tourteau de soja à partir du milieu des années 1970. L’aviculture de chair et de ponte moderne et en général intégrée a été développée à partir des années soixante par des entreprises intégratrices natio-nales et par des coopératives. Des modèles d’intégration inspirés des exemples amé-ricains et européens ont alors été implantés dans le pays.

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